«Et tout à coup une espèce de panique m'envahit. Qu'est-ce que je faisais là, au milieu de ces corps, de ces odeurs ? Sous ces regards fuyants ? Je voulais bien jouer à la guerre avec des feux follets, des djinns, des silhouettes dans la nuit, des traits bleus sur une carte d'état-major. Me convenait parfaitement que la guerre soit en quelque sorte une abstraction. Une construction imaginaire. Baroque. Un jeu. Un grand jeu. J'avais la chance de n'avoir eu durant ces premiers mois qu'une vision lointaine et fragmentée de la mort - un tas de hardes entrevu dans le coin d'un champ, mais le visage est couvert d'une écharpe, une forme allongée sur une civière, mais la couverture kaki masque l'horreur... Les autres, ceux d'en face, n'avaient été jusqu'à ce jour que les ombres d'un théâtre imaginaire et parallèle dont ne me parvenait, à l'abri de mes blindages ou du haut de ma jeep, qu'un écho virtuel, fantomatique. Que ces ombres puissent avoir une quelconque réalité, un visage, un sexe, une voix, une odeur, me gênait. Ne m'intéressait pas.»Frédéric Arnoux, un jeune Français aussi vierge en politique qu'en amour, abandonne ses études littéraires et plonge dans la guerre d'Algérie. Au cœur d'un théâtre barbare, il devient acteur d'une histoire collective qui le révèle à lui-même. Aussitôt libéré, et alors que la guerre n'est pas encore finie, il reprend le bateau et va se mettre au service de la nouvelle Algérie.Mais changer de camp suffit-il pour effacer la mémoire ?
Frédéric Arnoux, un jeune Français aussi vierge en politique qu'en amour, abandonne ses études littéraires et plonge dans la guerre d'Algérie...