Elle, quinze ans et quelques poussières de semaines. Moi, pas loin des soixante-dix-huit. Je pourrais être son grand-père et même son arrière-grand-père : un drôle d'attelage que nous formons tous les deux. Une semaine plus tard, pour la première fois, je lui ai parlé du garçon noir et du cadeau merveilleux que j'ai reçu de lui, ce chant a cappela qui ruisselait de sa gorge comme de l'or liquide. C'était une incantation primitive, une mélopée où la plainte alternait avec une sorte de ferveur jubilatoire, et ces sons me coulaient dans les veines, dans les os, et j'aurais tout donné pour que cette joie qui m'emplissait dure toujours. Tous les jours, Andres Soriano, perclus d'arthrose, se poste sur le banc de l'abribus de la ligne numéro 15. C'est là qu'il rencontre Milush, l'adolescente au drôle de prénom. La jeune fille et le vieux monsieur entament la conversation. Elle vit seule avec sa mère ; lui nourrit l'espoir quasi obsessionnel de retrouver l'ange noir qui l'a un jour émerveillé par son chant magnifique... Malgré la disparité de leurs âges, les lourds secrets de famille, les peurs et les peines, une affinité élective hors du commun va se révéler entre la gamine impertinente et le vieil homme, qui fondera peu à peu une belle complicité et illuminera leurs existences.
Née à Casablanca en 1945, Anne Bragance a écrit des essais, des nouvelles et une vingtaine de romans dont L'heure magique de la fiancée du pickpocket et Une enfance marocaine.