C'était un équipage de fière allure qui s'éloigna finalement du quai de Fronsac à grand renfort d'ordres et de claquements de fouet. Convenablement appareillés de grelins et de chapelières par les industrieux compagnons, les quinze percherons arrachèrent à son inertie le cachalot et sa gueule semblable à une étrave, laquelle se mit lentement à diviser les eaux du fleuve. C'est ainsi que commence, lors de l'été 1838, le périple de ce cétacé, organisé pour le compte d'un antiquaire rassis, amoureux d'une cantatrice aux appas dispendieux. Périple fluvial au long duquel les destins vont se dessiner, se nouer puis se défaire, dans la tendresse, la haine et la violence. Gigantesque puzzle de passions attisées par un orage d'apocalypse où soufflent tous les dieux d'une nature en colère. Et comme le fleuve déchaîné qui emporte tout sur son passage, l'écriture de Pierre Magnan tel un torrent d'images nous fascine, nous envoûte et finalement nous emporte sans qu'on puisse seulement faire mine de résister.