Eternelle apprentie, Colette essaie, sa vie durant, de transformer ses prisons éphémères en paradis provisoires. L'art qui consiste à changer une prison en paradis, c'est celui qu'elle enseigne à travers son oeuvre où se reflète son existence. De sa naissance à Saint-Sauveur-en-Puisaye en 1873, à sa mort à Paris en 1954, Colette n'a pas cessé d'apprendre. A regarder le monde sous la direction de Sido, sa mère. A écrire sous la férule, moins dure qu'on ne l'a prétendu, de son premier mari, Willy. A éviter les pièges de la politique et de la mondanité en compagnie de son deuxième époux, Henry de Jouvenel. A partager
avec son troisième compagnon, Maurice Goudeket. Avec ce dernier, elle connaît une intense passion, comme j'ai pu le découvrir en ayant eu accès aux lettres qu'ils échangeaient alors. Car l'auteur de Chéri et de Gigi qui passe pour une femme libre est asservie, et contente de l'être, à l'amour et à la beauté qui peut prendre des formes humaines, animales ou végétales. Cette parfaite épicurienne sait en jouir comme personne et, quand vient le temps de souffrir, elle se change en une stoïcienne exemplaire, apprenant à supporter l'insupportable souffrance. Et c'est ainsi que l'éternelle apprentie devient un maître ! Jean Chalon