Dès les premières pages on est saisi par cette écriture mosaïque, joueuse et réfléchie, réaliste et poétique, raffinée et patoise, érudite et enfantine. Puissante. Belle. Et au fil des chapitres on comprend comment l'itinéraire hors du commun d'Yvette Szczupak-Thomas a sculpté ce style. Studieuse, étincelante et sauvage orpheline de l'Assistance Publique, placée déplacée chez des paysans bourguignons tour à tour aimants ou cruels, elle fait un incroyable grand écart lorsqu'elle sera remarquée par de riches marchands d'art, les Zervos. Ils ont pressenti en elle « le diamant brut » du talent et de la précocité. Adoptée adaptée, elle côtoie chez eux Eluard, Picasso, Braque, Aragon, Giacometti, Char et tant d'autres. Elle s'instruit, observe leur intellectualisme parisien, leur ambiguïté libertine, étayée du seul repère moral imprimé par sa première mère nourricière : « c'est ce qu'on fait soi-même qui vous salit ». Puis s'enfuit. Autobiographie drôle et pathétique ? Témoignage sans complaisance, parfois attendri, souvent iconoclaste ? Plaidoyer subliminal pour le respect de l'enfance ? Regard impertinent sur la face cachée des artistes ?oeiconisés” ? Qu'importe… Cet ouvrage inclassable servi par une plume virtuose reste en mémoire. (source : les-notes.fr)