Qui ne se souvient du destin incroyable de Malika Oufkir ? Dans La Prisionnière, telle Shéhérazade tressant ses histoires, Malika racontait le sort d'une enfant adoptée par Mohammed V, puis élevée comme une princesse à la cour du monarque Hassan II, entre les hauts murs du Palais. C'était une prisonnière cachée aux yeux de tous, victime des traditions ancestrales du Maroc, mais choyée par les siens. A la suite d'un coup d'état en 1972 où son père biologique, le général Oufkir, tenta de renverser son père adoptif, le Roi du Maroc, on emprisonna toute sa famille, mère, frères, soeurs, pendant près de vingt ans. Malika s'élevait alors au rang d'une héroïne de tragédie antique ; une intrigue où rien ne manquait, ni le meurtre, la vengeance, la prison infecte au fond du désert, la cruauté de punir les enfants à la place du père, ni le dénouement miraculeux : une fuite éperdue à travers le Maroc après avoir creusé un tunnel à mains nues !
Malika a survécu. En 1999, elle a écrit avec Michèle Fitoussi un témoignage hors du commun : mais quel en fut le prix à payer ? Comment se promener dans les rues de Paris, Marrakech, Miami ou New York, quand on a encore la peur au ventre ? Pourquoi consommer si l'on n'a pas l'essentiel ? Quelles sensations éprouve un corps de femme privé de désir pendant vingt ans ? Comment être mère quand on ne peut plus enfanter ? Comment affronter Oprah Winfrey lors de son célèbre show télévisé, dont Malika fut l'unique auteur étranger jamais invité ? Que peut-on dire de son passé mutilé à Nawel et à Adam, ses enfants adoptifs ? Liberté. Ou amère liberté ? L'Etrangère est le récit vrai d'une martienne revenue sur terre. Si l'on préfère le surnom que ses amis lui donnent, le retour d'Hibernata. Malika Oufkir a beaucoup d'humour, le sens de l'observation, la rage au coeur, et ce « grain de folie » qui lui donne définitivement une place à part.