Novembre 1918. Istanbul, en plus de l'arrivée massive de Russes blancs fuyant la révolution bolchevique, subit l'invasion des vainqueurs de la Grande Guerre : Anglais, Français, Italiens. Et les Grecs profitent de cette situation. Dans une ambiance cosmopolite et délétère, les Stambouliotes, humiliés, subissent un lourd tribut de privations même dans les milieux privilégiés. Ainsi Leyla, épouse d'un secrétaire du sultan Mehmet VI, propriétaire d'une superbe demeure ottomane, doit-elle accepter l'occupation d'une partie de leur maison par un officier français. La vie quotidienne s'en trouve bouleversée. Leyla, à la fois désespérée par la désintégration d'un monde révolu et adepte de liberté face au rigorisme d'une belle-mère traditionnaliste, ne tarde pas à s'engager dans la résistance, encouragée en cela par son frère. Elle rencontre grâce à lui un archéologue allemand entré dans la clandestinité sous la férule du général Mustapha Kemal. Et Leyla et Hans vont vivre, malgré les obstacles tant politiques que familiaux, un amour incandescent. Theresa Révay est connue pour ses belles fresques historiques à travers la première moitié du XXe siècle. Ici sont retracés avec précision des moments à la fois cruciaux et cruels : la chute de l'Empire ottoman et la création du nouvel état turc entre 1918 et 1922. Au fil des pages, la romancière montre l'évolution radicale des moeurs engendrée par l'occupation du pays. Puis encouragés par Mustapha Kemal, les prémices d'un mouvement féministe et réformiste se font jour. Quant aux différents personnages, attachants par leurs contradictions internes, ils révèlent, à de nombreux détails, les différences entre les civilisations européenne et ottomane. Ainsi Leyla et sa bouleversante destinée, n'incarne-t-elle pas magnifiquement le combat des femmes dans le monde musulman ? Dans les multiples péripéties et retournements de situation, dans le chatoiement des descriptions à la Pierre Loti, il se crée un équilibre parfait entre orientalisme, histoire et romanesque. Une gageure très réussie. (source : les-notes.fr)